La génomique au service du secteur forestier canadien

- Centre-du-Québec

Partie d'un arbre coupé dans la forêt.

Source : RNCan

Parterre de coupe sur la Côte-Nord (province de Québec).

Au Canada, la foresterie constitue une industrie majeure et une importante source de richesse pour la population canadienne. Selon l'État des forêts au Canada : Rapport annuel 2022 (PDF, 23.5 Ko), le secteur forestier constitue une source de revenus pour les travailleurs locaux de 2 400 collectivités, contribue pour 25,2 milliards de dollars au produit intérieur brut nominal, soutient plus de 300 collectivités dépendantes de la forêt et emploie directement plus de 184 000 Canadiens. Aucune autre nation ne retire un plus grand bénéfice net du commerce de produits forestiers que le Canada. Le fossé entre le Canada et la Suède, deuxième plus important commerçant net, ne cesse de continuer à s'élargir depuis 2009.

Cependant, un nombre toujours plus grand d'acheteurs de produits du bois souhaitent connaître l'origine de ces produits et s'assurer qu'ils ont été cultivés et récoltés de manière durable. Les gouvernements du monde entier sont appelés à lutter contre l'exploitation illégale de la forêt et le commerce illicite du bois, tout en combattant la déforestation dans le cadre des efforts mondiaux de lutte contre le changement climatique.

La génomique répond aux besoins du secteur forestier du 21e siècle

C'est ici qu'intervient Nathalie Isabel, Ph. D., chercheuse scientifique en génomique forestière et environnementale au Service canadien des forêts de Ressources naturelles Canada (RNCan). Soutenue par un financement de l'Initiative de recherche et développement en génomique (IRDG) du gouvernement du Canada, elle dirige un projet visant à utiliser efficacement la génomique pour identifier l'espèce et l'origine géographique des arbres à partir d'échantillons de bois, entre autres pour l'épinette noire, une espèce couramment utilisée dans le secteur forestier du Canada.

Le projet canadien Identification du bois

Ce projet s'insère dans une initiative plus large, le projet canadien Identification du bois mené par RNCan, Environnement et Changement climatique Canada et l'Agence des services frontaliers du Canada. L'objectif est de mettre au point des outils de traçabilité permettant d'identifier les produits du bois, ce qui contribuera à limiter l'importation de bois produit illégalement et soutiendra la certification forestière canadienne d'accès au marché.

Le concept de traçabilité est à la base de cette certification, qui est pour l'instant volontaire. L'idée est d'utiliser divers outils, y compris la génomique, pour fournir l'assurance qu'une compagnie forestière exploite la forêt de façon légale, durable et en conformité avec les normes internationales reconnues. La certification de l'aménagement forestier a commencé à être adoptée dans l'ensemble du Canada entre la fin des années 1990 et 2008. Bien que la démarche demeure volontaire, elle s'est avérée populaire auprès du secteur forestier. Selon la fiche d'information de RNCan sur la certification de l'aménagement durable, 161 millions d'hectares de terres forestières canadiennes étaient certifiés en 2021.

Cour à bois de centaines d'arbres coupés avec vue sur une forêt d'automne en arrière-plan.

Source : RNCan

Cour à bois d'une scierie de bois feuillus dans la région du Centre-du-Québec (province de Québec).

Caractériser l'empreinte génétique des espèces d'arbres

Nathalie Isabel et son équipe contribuent à la caractérisation de l'« empreinte » génétique des espèces d'arbres. Elles créent de nouvelles façons de déterminer si le bois examiné est effectivement le même bois que celui décrit dans la documentation, une étape clé pour répondre aux exigences de certification.

3 approches différentes sont possibles, toutes fondées sur l'utilisation de marqueurs génétiques et toutes pertinentes pour le projet Identification du bois :

  • l'approche de l'empreinte, qui utilise des marqueurs génétiques pour identifier des arbres individuels en comparaison avec un arbre de référence;
  • l'approche d'identification taxonomique, qui s'appuie sur d'autres marqueurs génétiques pour identifier les espèces;
  • l'approche phylogéographique, qui utilise des marqueurs génétiques différents pour déterminer les origines géographiques des différents membres d'une même espèce.
Des paquets de planches de bois empilés les uns sur les autres.

Source : RNCan

Bundle de 2 po x 8 po (EPS, épinette-pin-sapin) après rabotage à l'usine de l'École de foresterie de Duchesnay (province de Québec).

Établir une base de données de références

Utilisant ces 3 approches, Mme Isabel contribue au développement d'une base de données de références sur les arbres indigènes du Canada en s'appuyant sur la génomique, l'anatomie du bois et la signature chimique.

En raison de la grande variabilité à l'intérieur d'une même espèce et entre les espèces, « vous avez besoin d'énormément de données pour identifier une espèce avec précision et encore plus pour déterminer l'origine géographique d'un individu donné, explique Mme Isabel. L'hybridation naturelle entre les espèces étroitement apparentées (p. ex. l'épinette rouge et l'épinette noire) fait en sorte que seule la génomique nous permet d'obtenir les renseignements nécessaires. »

L'exemple de l'épinette noire

Prenons par exemple l'épinette noire. Environ 3 000 épinettes noires ont été génotypées, permettant d'identifier 3 groupes génétiques majeurs, chacun avec sa propre signature génomique. Les différences entre ces signatures sont décelables dans les polymorphismes mononucléotidiques (SNPs prononcé "snips"), un variant génomique présent dans l'ADN de l'arbre. Ces SNPs reflètent l'histoire évolutive des arbres depuis les anciennes glaciations, ainsi que leur adaptation à des environnements précis. Les SNPs sont présents dans l'ADN de toutes les espèces vivantes.

Mme Isabel et son équipe étudient également le pin lodgepole, le peuplier faux-tremble, le chêne rouge et le pin blanc.

« Chaque espèce a une histoire évolutive différente, explique Mme Isabel. L'analyse génomique nous révèle ces histoires. »

8 échantillons différents d'ADN en tube à essai flottant dans un liquide transparent.

Source : Lisa Tischenko

ADN de chênes rouges d'Amérique (Quercus rubra).

Répondre aux défis posés par les arbres grâce à de nouvelles méthodes d'analyse

« L'extraction de l'ADN du bois peut être très difficile, indique Mme Isabel, en particulier pour le bois d'œuvre, alors que l'ADN est moins abondant et davantage détérioré. C'est pourquoi différentes méthodes sont nécessaires. » Elle a constaté que la métabolomique offre une approche moins coûteuse et plus facile à utiliser pour l'identification des espèces à partir d'échantillons de bois. La métabolomique étudie des métabolites précis, des composés secondaires naturellement produits par les arbres.

L'élaboration de profils métabolomiques pour des arbres individuels et pour les espèces aide l'industrie à identifier les différentes espèces. Ce qui peut s'avérer particulièrement important dans le cas d'arbres qui portent le même nom, mais qui font actuellement partie d'espèces différentes. À titre d'exemple, environ 200 arbres sont connus dans le monde sous le nom de cèdre, même s'ils ne ressemblent en rien aux cèdres que nous connaissons au Canada.

S'assurer que les utilisateurs finaux puissent profiter de ces nouvelles connaissances

Les premiers utilisateurs finaux qui profiteront des résultats de cette recherche sont bien sûr les acteurs du secteur forestier du Canada, qui tireront profit d'un accès amélioré aux marchés grâce à leur capacité à fournir des renseignements à propos de l'origine de leurs produits. Les utilisateurs finaux visés incluent également les consommateurs qui souhaitent en savoir plus à propos du type de bois utilisé dans les meubles ou les autres produits qu'ils achètent.

Fort heureusement, le Service canadien des forêts de RNCan demeure en étroit contact avec les membres du secteur forestier et utilisera ces contacts pour s'assurer que le secteur est informé des possibilités offertes par la génomique pour retracer l'origine du bois.

Grâce à Nathalie Isabel et au financement de l'IRDG, de nouvelles méthodes d'analyse basées sur l'ADN aident l'un des secteurs économiques traditionnels du Canada à répondre aux besoins du 21e siècle.