Sabah Bidawid se réjouit des éloges et de l'admiration que suscitent immanquablement à l'étranger l'étendue et l'importance du projet de recherche sur la salubrité des aliments et de l'eau (SAE) qu'il coordonne.
M. Bidawid est chef de la Division de la recherche microbiologique à Santé Canada et coordonnateur du projet SAE financé par l'Initiative de R-D en génomique (IRDG) du gouvernement du Canada. « J'ai eu la chance de présenter notre projet lors de plusieurs réunions et congrès à l'échelle nationale et internationale, a déclaré M. Bidawid. Ce dernier suscite un vif intérêt — tant pour la nature de nos recherches que pour les méthodes que nous utilisons. »
Conjuguer les ressources
Le projet SAE est l'un des deux projets de recherche pluriannuels et réunissant plusieurs ministères qui ont été lancés avec le soutien de l'IRDG en 2011. Tout comme le projet sur les espèces envahissantes et justiciables de quarantaine (EEQ), le projet SAE s'appuie sur le savoir-faire scientifique et technique de plusieurs ministères et organismes à vocation scientifique fédéraux. Ceux-ci misent sur la génomique pour améliorer les techniques de détection et de gestion des risques menaçant la santé, la sécurité et la prospérité économique des Canadiens, autant pour assurer la pérennité des échanges de produits agricoles que pour préserver la position du Canada en tant que chef de file en matière de salubrité des aliments et de l'eau.
Tout comme Santé Canada, sept autres ministères et organismes fédéraux collaborent à l'un des deux projets, ou aux deux, à savoir Agriculture et Agroalimentaire Canada (AAC), l'Agence canadienne d'inspection des aliments (ACIA), Pêches et Océans Canada (MPO), Environnement Canada (EC), l'Agence de la santé publique du Canada (ASPC), Ressources naturelles Canada (RNCan) et le Conseil national de recherches du Canada (CNRC).
Envergure sans précédent
Chercheur à AAC, Patrice Bouchard coordonne le projet EEQ. Il explique que la collaboration rendue possible grâce au soutien de l'IRDG a permis un échange de connaissances et de savoir-faire sans précédent et d'une valeur inestimable. « Aucun des ministères ou organismes participant au projet n'a la capacité de produire toutes les données et les outils de génomique dont nous avons besoin pour détecter les menaces potentielles rapidement et avec précision, a déclaré M. Bouchard. En réunissant de manière coordonnée les différentes compétences et ressources développées par les ministères selon leurs besoins et leur mandat, nous pouvons élargir notre rayon d'action et travailler plus rapidement. »
La mise en commun de l'information mène à de nouvelles découvertes
Selon André Lévesque, chercheur à AAC et conseiller scientifique du projet EEQ, la mise en commun de l'information permet de concevoir des applications plus larges. « Les données de séquençage génomique recueillies par chaque ministère ou organisme alimentent une vaste base de données. Ainsi, certains des agents fongiques nuisibles aux cultures sur lesquels nous travaillons à AAC sont également à l'origine de certaines maladies chez les poissons, explique M. Lévesque. L'information que produit AAC est donc utile à nos collègues du MPO pour la protection des espèces aquatiques, et inversement, nous allons sûrement découvrir dans les recherches sur les espèces marines des informations sur les maladies nuisibles à l'industrie agroalimentaire. Cette synergie n'a jamais été possible par le passé. »
La coordination, facteur clé du progrès
La microbiologiste de Santé Canada Nathalie Corneau, chef du projet SAE, admet volontiers que la coordination des ressources est un élément crucial. « Nous avons mis en place des structures de responsabilisation et des échéanciers robustes pour les différents volets du projet, explique-t-elle. C'est essentiel, car nous travaillons chacun de notre côté sur une petite partie du tableau d'ensemble; le fait de savoir ce que font les autres collaborateurs garantit que les différents morceaux du puzzle s'emboîteront correctement au bon moment pour assurer la bonne marche du projet. »
Selon Mme Corneau, travailler au sein d'une équipe de spécialistes venant de plusieurs ministères constitue un avantage considérable. « Dans notre laboratoire par exemple, nous sommes à mettre au point une nouvelle méthode plus rapide pour extraire des bactéries d'échantillons d'aliments aux fins de tests, mais l'équipement qui permettra de prouver la validité de notre concept n'existe pas encore, explique-t-elle. Grâce à la collaboration engagée sous l'égide de l'IRDG, nous travaillons à définir le protocole de tests, tandis que les ingénieurs du CNRC construisent l'équipement qui viendra confirmer la théorie. Cette complémentarité permet de gagner du temps et de faire en sorte que l'équipement résultant répondra exactement à nos besoins. »
Retombées bénéfiques sur l'économie, la santé et la sécurité
Le coordonnateur du projet EEQ, Patrice Bouchard, souligne que la recherche contribue déjà à protéger le commerce de produits agricoles au Canada, évalué à plusieurs milliards de dollars. « Avec les méthodes traditionnelles d'identification, il peut être très difficile de différencier une espèce de champignon justiciable de quarantaine d'une autre reconnue comme inoffensive, déclare-t-il. Grâce aux outils d'analyse et d'identification génétiques sur lesquels nous travaillons, nous avons déjà pu démontrer qu'une espèce de champignon qu'on croyait nuisible aux cultures canadiennes était en fait un variant inoffensif. »
De son côté, le projet SAE est sur le point de donner naissance à une technologie qui permettra aux autorités de détecter et d'identifier la source d'agents microbiens nuisibles dans les aliments plus rapidement que les moyens actuels ne le permettent.
« Grâce à la combinaison de nos efforts, nous concevons des technologies d'avant-garde qui nous permettront de détecter et d'identifier des bactéries possiblement mortelles, comme E. coli O157:H7, dans les aliments en quelques heures et non en plusieurs jours, explique le coordonnateur du projet SAE, M. Bidawid. Nous travaillons sur une version portative de notre équipement qui permettra d'analyser rapidement des échantillons d'aliments et d'eau partout, que ce soit dans un laboratoire, dans une usine de conditionnement de la viande ou à un poste douanier. Déjà, plusieurs entreprises nous ont signifié leur intérêt à commercialiser cette technologie. »