En collaboration avec des chercheurs de l'une des plus grandes compagnies de biotechnologie du monde, des neuroscientifiques du Conseil national de recherches du Canada (CNRC) s'efforcent de trouver des moyens pour permettre à leurs agents thérapeutiques de traverser la barrière hémato-encéphalique. Une percée dans ce domaine constituerait une étape importante dans le développement de nouveaux traitements qui ciblent les maladies neurologiques telles que la maladie d'Alzheimer, la sclérose en plaques, la maladie de Parkinson, la sclérose latérale amyotrophique (SLA) et même le cancer du cerveau.
La barrière protège le cerveau, mais…
Comme l'explique Arsalan Haqqani (Ph. D.), agent de recherches sénior, les cellules qui constituent la barrière hémato-encéphalique ont une fonction unique et essentielle : elles laissent passer les éléments nutritifs, mais empêchent l'entrée des toxines et des agents pathogènes présents dans le sang qui pourraient endommager le cerveau.
« Malheureusement, ces cellules barrent également le passage à la majorité des agents thérapeutiques conçus pour traiter les troubles neurologiques, explique M. Haqqani. Pour s'assurer qu'une dose suffisante de ces médicaments atteint le cerveau, il faut donc administrer de très fortes doses. De telles doses entraînent des effets secondaires indésirables et potentiellement dangereux. C'est la raison pour laquelle de nombreux traitements prometteurs de ces maladies neurologiques ont échoué. »
Trouver une voie d'accès
L'équipe de M. Haqqani au Centre de recherche en thérapeutique en santé humaine (TSH) du CNRC, en collaboration avec le Centre de recherche en technologies numériques du CNRC, a mis au point une technique prometteuse pour y remédier.
Exploitant la génomique et d'autres technologies « omiques », ainsi que de la bio-informatique pour analyser et gérer les données qu'elle génère dans le cadre du programme TBHE (Thérapeutiques au-delà de la barrière hémato-encéphalique), l'équipe du CNRC a développé BHE CARTA — une carte moléculaire détaillée des gènes et des protéines exprimées dans les cellules du cerveau, y compris les cellules de la barrière hémato-encéphalique.
Cette carte et les techniques mises à contribution pour la créer peuvent être utilisées pour établir de nouvelles voies d'accès et des cibles dans le cerveau et faciliter ainsi la mise au point de nouveaux médicaments et d'autres agents thérapeutiques destinés au cerveau. Biogen, une compagnie de biotechnologie, s'est tout naturellement intéressée à BHE CARTA.
Les investissements dans la génomique permettent l'établissement de partenariats prometteurs
Basée à Cambridge, dans le Massachusetts, Biogen (en anglais seulement) se concentre sur la mise au point de traitements axés sur les maladies neurologiques.
Soutenu par un financement offert dans le cadre de l'Initiative de recherche et développement en génomique (IRDG) du gouvernement du Canada, l'équipe de TSH collabore avec des chercheurs de Biogen pour mettre à profit BHE CARTA en analysant la surface des cellules endothéliales cérébrales, ces cellules qui constituent la barrière hématoencéphalique, puis en mettant en œuvre des algorithmes pour déterminer les cibles les plus susceptibles de faciliter le transport des médicaments à travers la barrière.
« Une fois que les récepteurs cibles sont identifiés, nous fabriquons des anticorps conçus pour se fixer sur ces récepteurs en tirant parti du même mécanisme que celui que les cellules utilisent pour faire passer les éléments nutritifs à travers la barrière, révèle M. Haqqani. Les spécialistes des anticorps qui travaillent à Biogen et à TSH peuvent ainsi attacher un agent thérapeutique aux anticorps, et celui-ci va alors être capable de s'infiltrer clandestinement à travers la barrière et d'arriver jusqu'au cerveau. Ces anticorps jouent ainsi le rôle de chevaux de Troie. »
Un collaborateur prisé
Au siège social international de Biogen, dans le Massachusetts, Paul Weinreb (Ph. D.), directeur de recherche sur les produits biologiques thérapeutiques, explique qu'en tant que pionnière dans le secteur des neurosciences, son équipe est très heureuse de collaborer avec le CNRC pour améliorer l'administration des médicaments dans le cerveau.
« Le partenariat rapproché entre Biogen et le CNRC a permis d'obtenir d'importants renseignements sur les cibles et les voies susceptibles d'améliorer le transport des anticorps et d'autres agents thérapeutiques à travers la barrière hématoencéphalique, relate M. Weinreb. Ces avancées pourraient bien aboutir à la création de nouveaux traitements efficaces contre les maladies d'Alzheimer ou de Parkinson. »
L'influence de BHE CARTA continue à s'étendre
BHE CARTA est constamment mise à jour grâce à l'ajout de nouvelles données générées dans le cadre des études menées par TSH et d'autres organismes de recherche. Parallèlement à l'utilisation qui en est faite dans le cadre de la collaboration entre le CNRC et Biogen, CARTA peut être exploitée à de nombreuses autres fins, notamment pour le développement de nouvelles méthodes pour établir les thérapies les plus susceptibles de passer avec succès du modèle animal à l'application humaine.
« Nous avons tiré parti de plusieurs technologies avancées comme le séquençage de nouvelle génération, la protéomique et la bio-informatique pour créer une carte moléculaire unique de la barrière hématoencéphalique, se réjouit Danica Stanimirovic (Ph. D.), directrice du groupe de Biosciences translationnelles à TSH. Cela nous a permis de mieux comprendre la fonction de la barrière et d'effectuer d'importantes avancées dans le développement des thérapies axées sur les maladies du cerveau. »
Le CNRC a ouvert l'accès à BHE CARTA à tous les chercheurs et l'outil est aujourd'hui utilisé pour éclairer les travaux d'un certain nombre de partenariats entre le CNRC et d'autres chercheurs issus des laboratoires universitaires et de l'industrie qui sont axés sur le développement et l'amélioration des thérapies contre les maladies du cerveau.