Les forêts sont des puits de carbone notoires, qui absorbent et retiennent le carbone qui, autrement, serait libéré dans l'atmosphère et contribuerait aux changements climatiques. Mais quels sont les mécanismes qui permettent de stocker le carbone? Quel rôle jouent les microorganismes du sol dans ces mécanismes? Comment la capacité du sol à absorber et à retenir le carbone est-elle affectée par l'aménagement forestier?
Ces questions sont particulièrement importantes pour le Canada, car contrairement aux forêts tropicales, qui stockent le carbone dans la masse végétale, les forêts boréales stockent entre la moitié et les trois quarts de leur carbone dans le sol. Le Canada possède 552 millions d'hectares et 28 % des forêts boréales du monde. C'est pourquoi les activités forestières au Canada ont des répercussions sur les changements climatiques à l'échelle globale.
Découvrir le rôle du sol dans le stockage du carbone
Grâce à un financement de l'Initiative de recherche et de développement en génomique (IRDG), Christine Martineau, chercheuse en génomique du microbiome au Service canadien des forêts de Ressources naturelles Canada, et l'étudiante au doctorat qu'elle codirige, Véronique Rouleau, de l'Université Laval, dirigent le volet génomique d'un projet qui examine le rôle des sols forestiers dans le stockage du carbone et les répercussions de l'aménagement forestier sur ces réserves de carbone.
Bien que l'étude soit toujours en cours, les premiers résultats indiquent que dans la plupart des cas, les méthodes de récolte ont beaucoup moins d'impact sur les stocks de carbone que les propriétés du sol. Or, ce phénomène n'est pas encore clair.
« Le sol forestier est encore en grande partie une boîte noire », explique Christine Martineau. « Les micro-organismes étant les moteurs du sol, leur étude est une étape importante pour comprendre les fonctions du sol telles que le stockage du carbone », ajoute-t-elle.
Une approche multidisciplinaire unique
Ce projet est unique en ce sens qu'il associe les domaines de la sylviculture, de la science des sols et de la microbiologie. Contrairement aux recherches précédentes, qui se concentraient principalement sur les 10 premiers centimètres du sol, ce projet examine plusieurs couches du sol afin d'en savoir plus sur l'identité et les fonctions des micro-organismes, ou micro-organismes, associés à un plus grand stockage du carbone, et de caractériser les facteurs qui influencent ce processus.
Christine et Véronique font appel à la génomique pour caractériser la composition génétique de ces micro-organismes. Elles prélèvent des échantillons dans différentes couches du sol qui ont été exposées à diverses pratiques d'aménagement dans la forêt d'enseignement et de recherche de l'Université Laval. Ensuite, elles récupèrent l'ADN du sol à partir de ces échantillons, puis amplifient et séquencent des gènes spécifiques afin d'identifier les micro-organismes présents ainsi que leur abondance relative.
Cette information est une première étape importante, mais elle ne fournit pas beaucoup de renseignements sur les fonctions des micro-organismes détectés. L'étape suivante consiste à séquencer tous les gènes de l'échantillon de sol. Il s'agit d'une tâche beaucoup plus complexe, mais qui fournit davantage d'informations sur les fonctions de chaque microbe.
Renforcer le stockage du carbone tout en respectant l'importance économique de la sylviculture
« Grâce à ces informations, il est possible d'apprendre, dans un premier temps, quels micro-organismes présents dans le sol favorisent l'accumulation du carbone et, dans un second temps, comment faire en sorte que les méthodes de sylviculture améliorent, ou du moins ne nuisent pas à l'accumulation du carbone », explique Véronique Rouleau.
« Ces informations sont précieuses en soi, car elles font progresser nos connaissances et notre compréhension », ajoute-elle. « Mais leur importance va au-delà de cela. Elles fournissent une base pour prendre de bonnes décisions politiques qui amélioreront la gestion forestière et soutiendront la capacité des forêts à stocker le carbone dans le sol », dit-elle tout reconnaissant les importants avantages économiques de l'industrie forestière pour le Canada.