Un investissement fédéral en génomique mène à un suivi plus poussé de la résistance aux antimicrobiens

- Ottawa

De concert avec leurs collègues du gouvernement du Canada, des chercheurs de l'Agence de la santé publique du Canada (ASPC) mettent au point des outils génomiques pour mieux suivre et comprendre comment la résistance aux antimicrobiens circule entre l'humain, la production alimentaire et l'environnement — un projet de recherche étroitement coordonné et réalisé par 5 ministères et organismes, dans le cadre du projet sur la résistance aux antimicrobiens financé par l'Initiative de recherche et développement en génomique (IRDG).

Des nouvelles technologies en génomique qui changent la donne

« … les méthodes traditionnelles nécessitent beaucoup de temps et de travail en laboratoire... le séquençage du génome entier nous permet de prédire simultanément si une bactérie est résistante à certains antibiotiques et d'identifier les gènes impliqués… »

La recherche de l'ASPC comporte 4 sous‑projets, codirigés par le chercheur scientifique Ed Taboada (Ph.D.). M. Taboada affirme que des technologies comme le séquençage du génome entier — acquis grâce au financement de l'IRDG — ont ajouté une nouvelle dimension à la recherche sur la résistance aux antimicrobiens au Canada.

« Les méthodes traditionnelles exigent beaucoup de temps et de travail en laboratoire pour recueillir des échantillons de bactéries à différents endroits — dans une exploitation avicole ou dans un magasin de vente au détail, par exemple, pour extraire les microbes intéressants, tester leur résistance aux antimicrobiens en les faisant croître dans différents milieux avec un certain nombre d'antibiotiques— et ensuite les acheminer à un autre laboratoire à des fins de profilage d'ADN, mentionne M. Taboada. Après cela, on compare l'information obtenue sur les échantillons, même si cette dernière n'est pas assez détaillée pour que l'on puisse tirer des conclusions définitives — on ne peut pas être sûr que l'on examine la même souche de la bactérie, encore moins si elle porte les mêmes gènes de la résistance aux antimicrobiens. »

« Par contre, le séquençage du génome entier nous permet de prédire simultanément si une bactérie est résistante à certains antibiotiques et d'identifier les gènes impliqués. De plus, il nous permet d'obtenir une empreinte moléculaire à très haute résolution pour que nous puissions affirmer avec confiance qu'il s'agit des mêmes bactéries et qu'elles présentent la même résistance génétique à un antibiotique donné. »

Un bagage de connaissances bien rempli

Le niveau de détail obtenu par la technologie du séquençage du génome entier est vraiment remarquable. « Nous pouvons voir, par exemple, non seulement qu'un organisme en particulier est résistant à la pénicilline, mais aussi quel gène il possède parmi les nombreux gènes qui pourraient lui conférer cette résistance, dit M. Taboada. De plus, cette technologie nous permet de voir si le gène de résistance est situé sur un plasmide — qui peut transporter des gènes d'une espèce de bactérie à une autre — auquel cas cette bactérie représenterait un risque élevé de propagation de la résistance. »

En faire un tout

Dans le cadre du projet sur la résistance aux antimicrobiens de l'IRDG, les chercheurs du gouvernement fédéral exploitent la technologie du séquençage du génome entier pour établir des profils génomiques détaillés de milliers d'isolats bactériens recueillis de divers environnements par les agences gouvernementales sur un grand nombre d'années — ce qui signifie des millions d'éléments d'information qui doivent être gérés et analysés. Et c'est là qu'entre en scène la recherche de l'ASPC menée par M. Taboada et son collègue, M. Gary Van Domselaar (Ph.D.).

« Imaginez maintenant si nous devions trier toutes ces données manuellement, ajoute M. Taboada. Nous avons donc 4 équipes qui travaillent sur des logiciels de bio‑informatique et d'autres outils informatiques dont nous avons besoin pour utiliser toute cette information afin d'identifier les bactéries qui ont la résistance aux antimicrobiens, les gènes de résistance qu'elles ont et tout ce que nous savons sur elles, ainsi que le moment et l'endroit où elles ont été recueillies. »

« … Nous avons donc 4 équipes qui travaillent sur des logiciels de bio‑informatique et d'autres outils informatiques dont nous avons besoin pour utiliser toute cette information afin d'identifier les bactéries qui ont la résistance aux antimicrobiens, les gènes de résistance qu'elles ont et tout ce que nous savons sur elles, ainsi que le moment et l'endroit où elles ont été recueillies. »

En s'appuyant sur l'analyse des données, les chercheurs apportent des éclaircissements sur la façon dont la résistance aux antimicrobiens peut être transmise, en particulier sur le rôle joué par les plasmides. « En raison de leur capacité à transporter les gènes d'une espèce de bactérie à une autre, ils représentent un risque réel de propagation de cette résistance », explique M. Taboada. « En développant des outils bio‑informatiques pour prédire l'occurrence et le comportement des plasmides, les chercheurs du projet ont fait un grand pas en avant. »

Accentuer la valorisation et la collaboration

Le logiciel développé par les chercheurs de l'ASPC a déjà été adopté comme élément central du projet intitulé Résistance aux antimicrobiens : émergence, transmission et écologie — projet ARETE — un nouvel effort de recherche financé par Génome Canada.

À l'Université Dalhousie (Halifax), le chercheur principal du projet ARETE, M. Robert Beiko (Ph.D.), explique que le but ultime du projet est de repérer les « points névralgiques » potentiels de transmission de la résistance aux antimicrobiens entre différents types d'habitats et différents isolats et espèces d'agents pathogènes. Avec des chercheurs des universités McMaster et Simon Fraser, le projet ARETE comprend une équipe de l'ASPC qui contribue à l'expertise en bio‑informatique et aux ensembles de données génomiques générés dans le cadre du projet sur la résistance aux antimicrobiens de l'IRDG.

M. Beiko mentionne que la recherche menée dans le cadre de l'IRDG est un élément clé du projet ARETE. « En plus des logiciels sophistiqués pour aider à déterminer les principaux déterminants de la résistance, les travaux sur les liens environnementaux entre les isolats nous donnent un moyen d'établir la transmission génétique au‑delà des limites de l'habitat, explique M. Beiko. De plus, les données génomiques serviront de terrain d'essai pour valider les outils que nous mettons au point. »