Grâce à des travaux de recherche financés dans le cadre de l'Initiative de recherche et développement en génomique (IRDG) mise en place par le gouvernement du Canada, l'industrie canadienne du porc, dont le chiffre d'affaires s'élève à plusieurs milliards de dollars, bénéficie aujourd'hui d'un nouveau niveau de protection contre l'impact potentiellement catastrophique de la peste porcine africaine (PPA).
Bien qu'elle ne soit pas dangereuse pour les humains, la PPA est fortement contagieuse et il n'existe ni vaccin ni traitement pour la combattre. Au cours des cinq dernières années seulement, plusieurs flambées en Europe, en Asie et en Afrique se sont soldées par la mort ou l'élimination de plus de 10 millions de porcsNote de bas de page 1. La maladie n'a pas encore été détectée au Canada, mais elle se rapproche. Des flambées ont en effet été signalées en République dominicaine et à Haïti en 2021Note de bas de page 2.
À l'Agence canadienne d'inspection des aliments (ACIA), qui travaille avec plusieurs partenaires d'un bout à l'autre du pays pour empêcher l'entrée des maladies animales, Oliver Lung (Ph. D.), chercheur, explique que la prévention est essentielle.
Pratiquer la prévention tout en restant prêt
« Le Canada a mis en place des restrictions et des contrôles rigoureux en matière d'importation afin de prévenir l'introduction de la PPA au Canada, précise M. Lung. Il subsistera toujours un risque de laisser passer quelque chose. Le problème provient en réalité des importations illégales de produits à base de viande.
Il y a une très bonne raison pour laquelle les produits du porc ne devraient pas être importés au Canada, continue M. Lung, chef de l'unité de génomique au Centre national des maladies animales exotiques (CNMAE), le laboratoire de Winnipeg de l'ACIA. Le virus responsable de la PPA, par exemple, est très stable et peut survivre à de nombreux traitements. On peut donc le retrouver dans des produits apparemment aussi inoffensifs que des saucisses de porc. »
Compte tenu des risques et de l'impact potentiel sur une industrie qui injecte quelque 24 milliards de dollars dans l'économie canadienneNote de bas de page 3 — M. Lung affirme qu'il est essentiel d'être prêt à répondre à une éventuelle flambée de PPA au Canada. « Quelle que soit la maladie infectieuse à laquelle on a affaire, plus tôt l'on identifie précisément l'agent pathogène responsable, mieux on est à même de contenir sa propagation en prenant les mesures adéquates. »
Une propagation d'abord lente qui va en s'accélérant
« Les infections de ce type peuvent se propager très vite. Les tests de dépistage de la PPA peuvent être améliorés afin de nous permettre d'acquérir plus rapidement des renseignements détaillés sur les souches génétiques auxquelles nous sommes confrontés, explique M. Lung. Il faut au moins deux heures pour confirmer la présence de la PPA dans un échantillon et plusieurs autres heures d'analyse pour commencer à obtenir les données nécessaires à la mise en place d'une réponse vraiment efficace, qui peut par exemple consister à remonter au lieu initial de l'apparition de la maladie ou déterminer si les occurrences de la PPA en différents endroits proviennent ou non de la même source. »
Soutenus par le financement versé dans le cadre de l'IRDG, M. Lung et son équipe du laboratoire de Winnipeg ont mis au point de nouveaux procédés qui exploitent des technologies informatiques et analytiques pour transférer et analyser automatiquement les données génomiques acquises par séquençage au moyen de nanopores — une technologie génomique de troisième génération. Ils ont ainsi créé une nouvelle méthode de dépistage de la PPA qui permet d'obtenir des données génétiques détaillées sur la souche étudiée quelques minutes seulement après le début du séquençage. Ce nouvel outil de diagnostic permet de réagir rapidement à une éventuelle épidémie, ce qui peut contribuer à atténuer la gravité des impacts de la maladie.
« Nous pouvons maintenant accomplir en deux heures ce qui prenait auparavant au moins 12 heures de travail, se félicite M. Lung. Nous pouvons ainsi non seulement confirmer la présence du virus de la PPA, mais en plus acquérir son génome sous forme complète ou quasi complète. Et cela nous permet de le comparer avec les résultats des séquençages effectués ailleurs, une étape clé pour remonter à l'origine de l'infection. De plus, la technique nous donnant accès en quelques minutes à de petits fragments du génome, nous pouvons démarrer nos investigations encore plus tôt. »
Une importance nationale
Au Centre de santé animale du ministère de l'Agriculture, de l'Alimentation et des Pêches de la Colombie-Britannique, Tomy Joseph (Ph. D.), chef du Service de Virologie et de Diagnostic moléculaire, confirme qu'il ne fait aucun doute que la PPA présente un risque important et que les travaux de recherche dirigés par M. Lung contribueront à mieux préparer le Canada pour y faire face.
« Une méthode de diagnostic rapide et fiable est un outil extrêmement précieux pour la détection précoce, une intervention opportune et le suivi de la maladie, continue M. Joseph. C'est pourquoi les travaux menés par M. Lung sont si utiles. La méthode de séquençage par nanopores mise au point par M. Lung et son équipe est un outil très puissant pour le dépistage et la caractérisation précis et rapides de la PPA. »
Retombées internationales
L'Organisation mondiale de la santé animale (OMSA) a reconnu officiellement le CNMAE de l’ACIA à Winnipeg comme un laboratoire de référence de l'OMSA pour lutter contre la PPA. Cette désignation par l'OMSA est un signe de l'excellence scientifique du Canada et démontre l'aptitude, la capacité et la disponibilité accrues du Canada à détecter et à réagir à une éclosion de PPA et à appuyer les efforts mondiaux de gestion de la maladie.
Le CNMAE utilise d'ores et déjà le séquençage par nanopores pour soutenir la caractérisation génomique d’échantillons de virus de la PPA qui ont été recueillis dans d'autres pays n'ayant pas accès à cette technologie. Avec ses collaborateurs internationaux, le CNMAE contribue à la création d'une bibliothèque de génomes qui peut être consultée dans le cadre des investigations menées dans les pays où les flambées de PPA sont récurrentes, et contribue à renforcer le degré de préparation du Canada face à cette maladie.