Petit projet, énormes possibilités : lutter contre les insectes nuisibles autrement qu’avec des produits chimiques

- Saskatoon

Chaque année, les ravageurs coûtent des milliards de dollars en dommages aux agriculteurs du pays. Les efforts déployés pour combattre ces insectes nuisibles reposent presque toujours sur des produits qui, mal utilisés, posent des risques appréciables pour la population et l'environnement. Des chercheurs canadiens ont entrepris de prouver que, dans de nombreux cas, une approche qui s'appuie sur la génomique rendrait les insecticides moins essentiels, voire inutiles.

Au centre de recherche et de développement d'Agriculture et Agroalimentaire Canada (AAC), à Saskatoon, par exemple, des scientifiques ont largement concouru aux efforts continuellement déployés pour créer des variétés qui résistent à la cécidomyie du blé, ravageur majeur de cette culture dans l'Ouest canadien. Il en est ainsi pour la cécidomyie du chou-fleur, autre insecte qui pose un sérieux problème aux producteurs de canola, dans l'est du pays.

Une relation compliquée

Grains de blé sains (en haut) et grains attaqués par la larve de la cécidomyie. Deux larves orange sont visibles sur le grain, au centre de la rangée du bas. (Photo : AAC)

Après son éclosion, la larve de la cécidomyie du blé se nourrit des grains qui se développent dans l'épi, ce qui en réduit le rendement et en abaisse la qualité. Si cela semble simple, Martin Erlandson (Ph. D.), chercheur à AAC, explique que les liens que l'insecte entretient avec la plante hôte sont beaucoup plus complexes qu'on l'imagine.

« La larve de la cécidomyie, par exemple, a dans sa salive des protéines qui déclencheraient chez le blé un mécanisme de défense pour la détruire, explique-t-il. Malheureusement, d'autres protéines, également présentes dans la salive, permettent à la larve de passer inaperçue. »

Ensemble, M. Erlandson et ses collègues de Saskatoon — Dwayne Hegedus (Ph. D.), Boyd Mori (Ph. D.) et Tyler Wist (Ph. D.) — ont recensé d'autres protéines qui mériteraient que l'on s'y intéresse de plus près.

Résister serait futile

Les données précises que l'équipe d'AAC — financée grâce à l'Initiative de recherche et développement en génomique (IRDG) du gouvernement canadien — a glanées joueront un rôle important dans l'orientation des futurs efforts entrepris pour concevoir des variétés qui résisteront à la cécidomyie.

Certes, de telles variétés existent déjà (elles ont été sélectionnées par des chercheurs d'AAC), mais l'on s'interroge sur la durée de leur résistance. « La résistance de ces cultivars dépend d'un seul gène », explique M. Hegedus. « Or, les insectes s'adaptent et évoluent avec une facilité déconcertante. Il faudra donc sans doute peu de temps avant que la cécidomyie surmonte la résistance codée par le gène. Résultat? On devra à nouveau se servir de pesticides pour la détruire. »

Prochaines étapes

L'espoir de M. Mori — maintenant professeur adjoint à l'Université de l'Alberta — est que les « protéines effectrices » identifiées lors des recherches aboutissent à un processus de criblage au moyen duquel on identifiera d'autres gènes qui bloqueront les protéines en question. Les obtenteurs n'auraient alors plus qu'à sélectionner ces derniers pour développer des variétés qui s'opposent mieux au ravageur.

De l'argent bien placé

M. Erlandson l'admet d'emblée : à moins d'être un scientifique, peu de gens seront ébahis par les résultats du projet sur la cécidomyie. Pourtant, ces résultats sont fondamentaux si on veut créer des méthodes pour lutter contre les insectes nuisibles sans mettre la santé de l'être humain ou l'environnement en danger. « La somme investie dans le projet était relativement modeste pour l'IRDG, convient-il. Mais il s'agit du genre de recherche pure indispensable au progrès qui, sans l'IRDG, n'aurait sans doute jamais vu le jour. »