Recherche fédérale en génomique : des données probantes à l’appui des politiques à fondement scientifique

- Ottawa

Grâce au financement de l'Initiative de recherche et développement en génomique (IRDG) du gouvernement du Canada, les chercheurs de l'Agence canadienne d'inspection des aliments (ACIA) travaillent à déterminer si les bactéries présentes dans les aliments que nous consommons — même celles considérées comme étant inoffensives — peuvent jouer un rôle dans la transmission aux humains de la résistance aux antimicrobiens.

« Les gènes de la résistance aux antimicrobiens dans les bactéries inoffensives que nous consommons peuvent‑ils contribuer au développement de cette résistance chez les bactéries dangereuses? Nous ne le savons pas encore, mais les technologies de la génomique nous donnent les outils requis pour répondre à ce genre de questions. »

Les chercheurs de l'ACIA, dirigés par la scientifique Catherine Carrillo (Ph.D.), sont financés dans le cadre du projet de recherche plus vaste sur la résistance aux antimicrobiens de l'IRDG. Ce projet quinquennal, lancé en 2016, regroupe des scientifiques de 5 ministères et organismes fédéraux qui collaborent à une série de projets étroitement liés qui visent à comprendre comment les antibiotiques utilisés dans la production alimentaire peuvent contribuer à l'augmentation de la résistance aux antimicrobiens chez l'humain.

La génomique à la rescousse

Mme Carrillo indique que le financement de l'IRDG a donné à l'ACIA la capacité d'intégrer la détection des gènes associés à la résistance aux antimicrobiens à son analyse génomique des agents pathogènes prioritaires présents dans les aliments, comme les types d'E. coli et de salmonella causant des maladies. « C'est vraiment une proposition à valeur ajoutée », indique‑t‑elle. « Par le passé, nous avions recours à des tests en laboratoire pour déterminer si une bactérie pathogène présentait une résistance aux antibiotiques, mais la quantité d'information fournie par ces tests était assez limitée. Maintenant, avec le séquençage du génome entier, nous pouvons voir exactement quels gènes sont responsables de la résistance aux antimicrobiens dans un échantillon particulier de bactéries. »

En comparant ces résultats avec les gènes de la résistance aux antimicrobiens trouvés dans les bactéries que les collaborateurs d'autres ministères prélèvent dans les exploitations bovines, avicoles et porcines, dans l'environnement ainsi que chez les personnes malades dans les hôpitaux, les chercheurs peuvent commencer non seulement à voir comment la résistance aux antimicrobiens se propage, mais aussi à chercher des moyens de réduire les risques.

Les bactéries « inoffensives » posent-elles un risque?

En collaboration avec des chercheurs de Santé Canada, la chercheuse s'intéresse principalement à la question de savoir si les bactéries inoffensives présentes dans les aliments peuvent jouer un rôle dans la transmission aux humains de la résistance aux antimicrobiens.

« Les bactéries considérées comme étant inoffensives peuvent aussi présenter une résistance aux antimicrobiens, et les gènes qui fournissent la résistance se déplacent facilement d'une espèce de bactérie à une autre, explique‑t‑elle. Les gènes de la résistance aux antimicrobiens dans les bactéries inoffensives que nous consommons peuvent‑ils contribuer au développement de cette résistance chez les bactéries dangereuses? Nous ne le savons pas encore, mais les technologies de la génomique nous donnent les outils requis pour s'attaquer à ce genre de questions. »

Elle souligne que les bactéries inoffensives peuvent poser un risque par d'autres moyens. « Si l'une de ces bactéries s'échappe de notre système digestif et, par exemple, pénètre dans le sang ou les voies urinaires, ou qu'elle est transmise à une personne immunodéprimée, elle pourrait être très nocive et causer une infection qui doit être traitée par des antibiotiques ou autres antimicrobiens. Si cette bactérie soi‑disant inoffensive est résistante aux antimicrobiens, l'éliminer avec succès pourrait se révéler une tâche très ardue. »

La collaboration permet d'accélérer les progrès

« La mise au point d'outils et de techniques de génomique n'est qu'un exemple parmi d'autres... Par l'entremise de l'IRDG, nous sommes en mesure de partager l'information sur les nouveaux outils en développement, ce qui permet de les adapter dès le début pour répondre aux besoins de plusieurs ministères. »

Grâce à la collaboration pangouvernementale rendue possible par l'IRDG, notre compréhension de la façon dont la résistance aux antimicrobiens peut se propager dans la production alimentaire, l'environnement et l'humain s'enrichit rapidement.

« Il est difficile de mettre un prix sur l'importance de la collaboration entre les ministères dans ce projet. L'échange de l'information est une partie importante de ce processus, bien sûr, mais il y a beaucoup plus que cela, indique Mme Carrillo. Le développement de nouveaux outils et techniques de génomique n'en est qu'un exemple. Dans le passé, une personne d'un autre ministère pouvait mettre au point un nouvel outil de recherche que nous pouvions utiliser, mais comme il avait été conçu pour un usage particulier dans cet autre ministère, nous devions consacrer temps et argent pour l'adapter à nos besoins. Maintenant, grâce à l'IRDG, nous sommes en mesure de partager l'information sur les nouveaux outils en développement, ce qui permet de les adapter dès le début pour répondre aux besoins de plusieurs ministères. »

Éclairer la création de politiques fondées sur des données factuelles

Éléments clés du Plan d'action fédéral sur la résistance et le recours aux antimicrobiens au Canada, les résultats de la recherche menée par Mme Carrillo et d'autres personnes engagées dans le projet sur la résistance aux antimicrobiens joueront un rôle de premier plan dans la détermination des prochaines étapes de la lutte contre la résistance aux antimicrobiens. « C'est l'objet de nos recherches à l'ACIA et de l'ensemble du projet, ajoute‑t‑elle. Ce n'est pas à nous, en tant que chercheurs, de décider de la façon dont répond le Canada à la résistance aux antimicrobiens, mais à nous de nous assurer que les personnes qui prennent ces décisions les fondent sur les meilleures données scientifiques que nous puissions fournir ».