Recherche en génomique : détection du virus de la COVID chez des animaux sauvages au Canada; possible transmission de l'animal à l'humain

- Winnipeg, Manitoba

Des chercheurs du Centre national des maladies animales exotiques (CNMAE) de l'Agence canadienne d'inspection des aliments (ACIA) à Winnipeg perfectionnent actuellement les outils de génomique qui pourraient permettre de remonter à la source des flambées de COVID-19. C'est dans le cadre de ces travaux que les chercheurs ont pu établir ce qui pourrait constituer le premier cas de transmission du virus d'un animal sauvage à l'homme.

Trouver la meilleure approche

Depuis le début de la pandémie, Oliver Lung (Ph. D.), chercheur à l'ACIA, dirige des travaux de génomique qui ont déjà permis de séquencer et d'analyser plusieurs centaines de génomes du virus responsable de la COVID (le SRAS-CoV-2) à partir d'échantillons prélevés sur des animaux.

Les chercheurs en ont profité pour comparer les méthodes de séquençage du génome dans différentes situations, notamment lorsque les échantillons sont difficiles à traiter ou qu'ils ne contiennent qu'une faible quantité de matériel viral.

L'analyse bio-informatique comme outil d'identification des différents variants et de détection des mutations

En collaboration avec d'autres membres de l'équipe de M. Lung, Peter Kruczkiewicz, bio-informaticien principal, caractérise chaque échantillon de virus en comparant son génome aux millions de génomes du SRAS-CoV-2 que les chercheurs du monde entier ont séquencés et répertoriés depuis le début de la pandémie.

« Le génome du SRAS-CoV-2 est relativement gros pour un virus puisqu'il contient plus de 29 000 nucléotides, explique M. Lung. Chaque isolat peut présenter un très grand nombre de mutations sur l'ensemble du génome, mais les isolats apparentés partagent de nombreuses mutations identiques. Cela nous permet par exemple de différencier les variants Delta des variants Omicron et de prévoir si les mutations observées affecteront l'efficacité des tests de dépistage ou des vaccins. Le séquençage complet du génome est la seule méthode qui nous permet de comparer les génomes en détail pour déterminer la proximité génétique d'isolats recueillis dans des endroits différents ou à différents moments, et la manière dont le virus évolue en permanence. »

Nouvelles priorités pour lutter contre la pandémie

M. Lung, chef de l'Unité de génomique au CNMAE, rappelle que la COVID n'existait pas encore lorsqu'il a fait sa demande de financement de ses travaux dans le cadre de l'Initiative de recherche et développement en génomique (IRDG) du gouvernement du Canada.

« Nous sommes encore loin de tout connaître sur les virus dans le monde animal, même si nous pensons qu'un certain nombre de maladies telles que le VIH/sida, la maladie à virus Ebola et d'autres infections, y compris la COVID, proviennent de virus portés par des animaux, poursuit M. Lung. Ayant pris conscience de l'importance de cette lacune, nous avons présenté une demande de financement dans le cadre de l'IRDG afin de développer de meilleures méthodes de laboratoire et de bio-informatique pour acquérir et caractériser efficacement et précisément les génomes des virus animaux. Les connaissances ainsi acquises pourraient s'avérer très utiles pour remonter à la source des futures infections virales. La COVID n'est apparue que par la suite. »

Le virus se propage entre les humains et les animaux

« Nous savons que les humains peuvent passer la COVID à des animaux, mais jusqu'à maintenant, les cas d'infection de personnes par des animaux restent très rares, précise M. Lung. Il y a eu des cas de personnes contaminées par des visons d'élevage en Europe et au Canada et des cas potentiels de contamination par des hamsters à Hong Kong. »

En décembre  2021, M. Lung et ses collaborateurs ont, pour la première fois, détecté le virus du SRAS-CoV-2 chez des animaux au Canada et ils y ont mis en évidence le premier cas de transmission de la COVID d'un animal sauvage à l'homme.

Le virus est-il passé de la faune sauvage à l'homme au Canada?

« Des échantillons ont été prélevés sur des centaines de cerfs de Virginie abattus durant la saison de chasse 2021 en Ontario et au Québec, relate M. Lung. Nous avons observé qu'un certain nombre de cerfs étaient infectés par le SRAS-CoV-2, mais qu'ils étaient aussi porteurs de plusieurs souches très différentes du virus.

Les cerfs du Québec étaient porteurs du variant Delta, tandis que ceux de l'Ontario portaient une souche très différente de presque toutes les autres séquences connues du SRAS-CoV-2. Point important, cette souche se rapprochait beaucoup du virus trouvé sur un individu qui avait été en contact avec des cerfs dans la même région et autour de la même période. Toutefois, nous n'avons trouvé rien qui suggère une transmission interhumaine soutenue de cette souche. »

Les investissements en génomique s'avèrent très fructueux

Épidémiologiste génomique collaborateur du projet, Finlay Maguire (Ph. D.), de l'Université Dalhousie, fait remarquer que ces découvertes n'auraient pas été possibles sans les techniques mises au point par l'équipe financée par l'IRDG à l'ACIA.

Selon lui, « les méthodes traditionnelles n'auraient permis de générer que des séquences partielles du génome du virus, les échantillons recueillis sur les cerfs ne contenant qu'une petite quantité de matière virale. Or lorsque l'on ne dispose que d'une partie du génome, l'absence apparente d'une mutation peut venir du fait que le génome ne la porte pas ou que cette mutation se trouvait sur une partie non séquencée. En combinant plusieurs approches, M. Lung a réussi à générer plusieurs génomes complets, ce qui nous a permis d'obtenir des résultats beaucoup plus significatifs. »

Un besoin évident de poursuivre les travaux de recherche

M. Maguire conclut que ces travaux ont souligné les lacunes que M. Lung avait entrepris de combler au début du projet. « Ces résultats font ressortir le besoin de surveiller de routine les infections virales qui surviennent chez les animaux, poursuit-il. Les animaux jouent en effet un rôle dans l'évolution d'un grand nombre de virus. On compte plusieurs exemples de virus qui sont passés des humains à une espèce animale au sein de laquelle ils ont ensuite muté avant de repasser chez l'humain. »