Les recherches sur la résistance aux antimicrobiens financées par l'Initiative de recherche et développement en génomique (IRDG) du gouvernement du Canada suggèrent qu'il pourrait être possible d'éliminer le recours préventif aux antibiotiques dans l'industrie avicole canadienne.
« Les bactéries des sérotypes salmonella sont assez courantes chez la volaille et peuvent être transmises à l'humain par une mauvaise manipulation du poulet cru ou par la consommation de poulet qui n'est pas bien cuit. Si une personne est infectée par l'une de ces souches résistantes à la fosfomycine, l'infection, qui peut être très grave, sera plus difficile à traiter. »
L'étude, menée par Moussa Diarra (Ph.D.), chercheur scientifique à Agriculture et Agroalimentaire Canada, est l'une d'une vingtaine de projets de recherche étroitement interreliés en cours dans 5 ministères et organismes fédéraux — tous appuyés par l'IRDG dans le cadre d'une importante collaboration quinquennale en génomique qui vise à mieux comprendre la façon dont les antibiotiques utilisés en production alimentaire peuvent influencer la résistance antimicrobienne chez l'humain.
Un risque tout à fait réel
L'étude dirigée par M. Diarra a déjà révélé que certaines souches de la bactérie Salmonella trouvées chez le poulet - et qui peuvent infecter l'homme - portaient un gène auparavant inconnu qui conférait à la bactérie un haut degré de résistance à la fosfomycine, un antibiotique important utilisé pour traiter infections chez les animaux et les humains.
« C'est de toute évidence préoccupant, indique M. Diarra. En effet, notre étude a déjà révélé que certaines souches de la bactérie Salmonella retrouvées dans les poulets — et transmissibles à l'humain — portent un gène jusqu'alors inconnu qui leur confère un degré élevé de résistance à la fosfomycine, un antibiotique important utilisé pour traiter les infections tant chez les animaux que chez l'humain. »
La collaboration : élément clé de la surveillance de la résistance aux antimicrobiens
Il mentionne que ce genre de résultats fait de la collaboration interministérielle, rendue possible par le projet sur la résistance aux antimicrobiens de l'IRDG, est un élément clé pour comprendre la transmissibilité de la résistance aux antimicrobiens. « Cette collaboration nous permet d'avoir accès aux données génétiques d'isolats bactériens non seulement de volailles, mais aussi de personnes, d'autres secteurs de la production alimentaire et de l'environnement, explique‑t‑il. Nous pouvons ainsi comparer et analyser les gènes de la résistance de tous ces isolats et commencer à comprendre comment et où ils peuvent être reliés sur le plan de la transmission d'une région à une autre et comment nous pourrions réduire le risque que cela se produise. »
L'industrie réduit déjà l'usage d'antibiotiques
« Un antibiotique n'est après tout qu'une seule molécule. C'est pourquoi il est facile pour les bactéries de développer une résistance à ce médicament. En revanche, les composés dérivés de baies étant plus complexes, il est plus difficile pour les bactéries de développer une résistance — de plus, ils renforcent le système immunitaire général, ce qui permet au poulet de mieux combattre l'infection. »
M. Diarra rapporte qu'en raison des préoccupations liées à la résistance aux antimicrobiens, l'industrie avicole canadienne a récemment éliminé en grande partie ce qui était la pratique courante, laquelle consistait à donner aux poulets un assortiment d'antibiotiques dans leur alimentation afin de prévenir l'infection. Elle prévoit d'arrêter l'utilisation préventive de tous les antibiotiques sauf les moins importants d'ici à la fin de 2020, en faisant du développement de solutions de rechange une priorité. « Bien qu'il soit important de s'attaquer au problème plus vaste de la résistance aux antimicrobiens, le développement de solutions de rechange aux antibiotiques comme moyen de prévenir l'infection est une considération économique importante pour l'industrie, indique‑t‑il. Dans une grande exploitation avicole, identifier et traiter un ou deux oiseaux malades avant que tout le troupeau ne soit infecté n'est tout simplement pas pratique — peut‑être même impossible. »
Des solutions de rechange prometteuses aux antibiotiques
En fait, en plus de chercher la façon dont la résistance aux antimicrobiens peut se transmettre de la volaille à l'humain, l'équipe de M. Diarra exploite également la génomique pour étudier l'efficacité des substances non antimicrobiennes pour prévenir et traiter les infections. « Les composés dérivés de la canneberge, par exemple, sont déjà utilisés pour lutter contre les infections urinaires chez l'humain, explique‑t‑il. Nous les considérons, ainsi que les bleuets entre autres, comme des solutions de rechange éventuelles. »
Il ajoute que les composés dérivés de baies agissent différemment des antibiotiques, de sorte que la résistance est moins préoccupante. « Un antibiotique n'est après tout qu'une seule molécule. C'est pourquoi il est facile pour les bactéries de développer une résistance à ce médicament. En revanche, les composés dérivés de baies étant plus complexes, il est plus difficile pour les bactéries de développer une résistance — de plus, ils renforcent le système immunitaire général, ce qui permet au poulet de mieux combattre l'infection. »
Des nouvelles qui tombent à point
Chez Les Producteurs de poulet du Canada, le directeur de la salubrité des aliments et de la santé animale, Steve Leech, affirme que des recherches comme celle menée par M. Diarra dans le cadre de l'IRDG sont essentielles à la viabilité de l'industrie avicole canadienne, dont le chiffre d'affaires atteint plusieurs milliards de dollars. « Ce genre de recherche fondamentale qui vise à comprendre la transmissibilité de la résistance aux antimicrobiens et à formuler des stratégies pour y faire face, ce qui comprend des pratiques de gestion aux vaccins ainsi que des solutions de rechange efficaces aux antibiotiques, est une priorité pour notre organisation. Il est essentiel d'atteindre nos objectifs en tant qu'industrie, ainsi que les objectifs énoncés dans le document intitulé Lutter contre la résistance aux antimicrobiens et optimiser leur utilisation : un cadre d'action pancanadien », affirme M. Leech.