Les spécialistes de la génomique du CNRC à l'avant-garde de la recherche sur l'autisme

- Ottawa

Les techniques de séquençage de prochaine génération permettent le séquençage d'un génome entier en quelques heures, générant des milliards de bits de données génétiques à des fins d'analyse. (photo CNRC)

Une étude canadienne attire l'attention internationale après avoir apporté de nouvelles preuves de l'existence d'un lien entre les anomalies des cellules endothéliales — cellules qui tapissent l'intérieur des vaisseaux sanguins — et le trouble du spectre de l'autisme (TSA).

Cette étude de 4 ans, dirigée par Baptiste Lacoste, chercheur à l'Hôpital d'Ottawa, rassemble des chercheurs de l'Université d'Ottawa, des universités McGill et Laval, ainsi qu'une équipe du Conseil national de recherches du Canada (CNRC), placée sous la direction de l'agente de recherches principale Qing Yan Liu qui a fourni l'expertise cruciale en génomique et en bio-informatique pour établir les fondements génétiques des résultats de l'étude.

Le débit sanguin pourrait-il jouer un rôle?

Alors que les études sur le TSA ont eu tendance à se concentrer sur les neurones du cerveau qui contrôlent le comportement, cette étude est la première enquête approfondie des effets possibles d'une mauvaise irrigation sanguine sur le fonctionnement des parties du cerveau responsables des comportements sociaux.

À l'aide de l'imagerie par résonance magnétique (IRM) et à d'autres techniques d'imagerie, les chercheurs ont examiné le débit sanguin dans le cerveau de souris porteuses de la « délétion 16p », caractérisée par l'absence d'un certain nombre de gènes sur le chromosome 16. Cette délétion, qui se répète dans toutes les cellules du corps, est l'une des mutations génétiques les plus courantes chez les personnes atteintes du TSA.

Les chercheurs ont observé que lorsque les neurones de différentes régions du cerveau des souris sont stimulés, l'effet de cette stimulation sur le débit sanguin dans ces régions est plus lent et plus faible que chez les souris non porteuses de la délétion 16p. Ils ont également constaté des différences significatives entre les 2 groupes en ce qui concerne le développement de la vascularisation du cerveau, c'est-à-dire le réseau de vaisseaux sanguins qui irriguent le cerveau.

Cellules endothéliales

Comme le souligne Mme Liu, ces résultats donnent fortement à penser que les cellules endothéliales ont un rôle à jouer.

« Les cellules endothéliales qui tapissent l'intérieur des vaisseaux sanguins gèrent notamment le débit sanguin en agissant sur la contraction des vaisseaux, explique Mme Liu. Elles jouent également un rôle crucial dans l'angiogenèse — le processus de croissance de nouveaux vaisseaux sanguins ». Pour déterminer s'il existe une base génétique à ce dysfonctionnement du développement et de la performance de la vascularisation cérébrale, M. Lacoste a fait appel à Mme Liu et à son équipe du Centre de recherche en thérapeutiques en santé humaine du CNRC, ainsi qu'à leurs collaborateurs (Youlian Pan et Ziying Liu) du Centre de recherche sur les technologies numériques, où des investissements continus en faveur de l'Initiative de recherche et développement en génomique (IRDG) ont permis d'acquérir des connaissances avancées sur les gènes et les protéines des cellules cérébrales, y compris les cellules endothéliales.

Démonstration de la connexion

Tirant parti des techniques de séquençage de la prochaine génération, Mme Liu et son équipe ont compilé et analysé les profils transcriptomiques de souris qui sont porteuses ou non de la délétion 16p et âgées de 14 jours ou de 50 jours.

« Le transcriptome est formé de l'ensemble des ARN des quelque 25 000 gènes contenus dans chaque génome — c'est-à-dire, littéralement, de milliards de bits de données », précise Mme Liu.

Les méthodes d'analyse axées sur la bio-informatique ont permis de recenser un certain nombre de gènes associés au débit sanguin, ainsi que des gènes associés au développement des vaisseaux sanguins qui étaient exprimés différemment chez les souris portant ou non la délétion 16p.

À l'aide de l'imagerie et de l'observation, M. Lacoste a examiné un troisième groupe de souris — créé spécialement aux fins de l'étude et constitué uniquement de sujets dont seules les cellules épithéliales portaient la délétion 16p — qui présentaient un débit sanguin et des déficits fonctionnels similaires.

Des partenaires essentiels

L'étude, déjà citée par des chercheurs du monde entier, a fourni plusieurs éléments de preuve liant les anomalies des cellules endothéliales à certaines formes d'autisme, y compris les résultats du CNRC qui fournissent la première preuve d'une source moléculaire des troubles du développement et de la performance de la vascularisation du cerveau.

M. Lacoste souligne que Mme Liu et son équipe ont joué un rôle crucial dans le succès de l'étude.

« Dès le début de notre collaboration, explique-t-il, nos travaux ont pris un nouveau tournant. Les compétences du CNRC en génomique et en bio-informatique constituent une ressource extraordinaire; le CNRC offre une infrastructure et une expertise à la fine pointe de la recherche. Mme Liu et son équipe ont joué un rôle déterminant dans la publication de nos travaux sur les fondements vasculaires de l'autisme et sur le rôle que peut jouer le dysfonctionnement endothélial dans le TSA. Ces nouvelles connaissances pourraient jeter les bases de nouveaux outils de diagnostic du TSA et, à terme, de thérapies ciblant l'apport sanguin dans les régions touchées du cerveau ».