Grâce au soutien financier accordé dans le cadre de l'Initiative de recherche et développement en génomique (IRDG) du gouvernement du Canada, une équipe dirigée par Jessie R. Lavoie (Ph. D.), chercheuse à Santé Canada, contribue à faire en sorte que les chercheurs et les organismes de réglementation canadiens disposent des outils dont ils ont besoin pour évaluer le potentiel thérapeutique des vésicules extracellulaires.
Plus qu'une curiosité
Les vésicules extracellulaires sont des nanoparticules excrétées naturellement par toutes les cellules. Lors de leur découverte, on les a simplement assimilées à des vecteurs de transport utilisés par les cellules pour éliminer les protéines et autres matériaux dont elles n'avaient plus besoin. Avec l'avancement des travaux de recherche sur les possibles applications médicales des cellules souches mésenchymateuses ou des cellules du stroma humaines (hMSC), les chercheurs ont cependant découvert que ces vésicules agissaient de manière très semblable aux hMSC dont elles proviennent.
Des avantages semblables, à risques moindres
Depuis son laboratoire du Centre d'évaluation des produits biologiques (CEPB) de Santé Canada à Ottawa, Mme Lavoie déclare que l'intérêt porté aux vésicules extracellulaires est justifié.
« Le comportement des vésicules extracellulaires sécrétées par les hMSC s'apparente beaucoup à celui de ces dernières et ces vésicules font notamment preuve d'une même capacité à régénérer les tissus endommagés et à moduler le système immunitaire. Elles pourraient donc être administrées à des patients sans déclencher de rejet par le système immunitaire, explique Mme Lavoie. Elles présentent un avantage supplémentaire : les vésicules extracellulaires ne sont pas des cellules vivantes, elles ne peuvent pas se reproduire. Il n'y a donc aucun risque qu'elles mutent et deviennent cancéreuses. »
Séparer le bon grain de l'ivraie
Les vésicules extracellulaires ne sont cependant pas complètement dénuées de risque. Pour le moment, les chercheurs sélectionnent et isolent par exemple les vésicules extracellulaires destinées à des fins thérapeutiques en fonction principalement de leurs propriétés physiques, notamment leur taille.
« Les vésicules extracellulaires sont des nanoparticules, cent fois plus petites que les cellules qui les sécrètent, explique Mme Lavoie. Elles ont donc à peu près la même taille que de nombreux virus que l'on isole suivant un procédé similaire. Il est certain que l'on préfèrerait éviter toute interférence à ce niveau. Il est également nécessaire de différencier les vésicules extracellulaires issues de hMSC normales et saines de celles sécrétées par des hMSC anormales susceptibles de favoriser l'apparition de maladies. »
En appliquant des techniques de génomique de pointe et d'autres technologies, Mme Lavoie et son équipe ont pu recenser une protéine qui est systématiquement observée en grande quantité à la surface des vésicules extracellulaires sécrétées par les hMSC normales et saines. Cette protéine offre donc un moyen précis de distinguer les vésicules extracellulaires saines des autres nanoparticules avant de les enrichir à des fins thérapeutiques. En collaboration avec le Bureau de la surveillance des aliments et de l'intégration de la science de la Division de la bio-informatique au sein de la Direction des aliments et le laboratoire de spectrométrie de masse du CEPB, l'équipe de Mme Lavoie continue à chercher de nouvelles protéines spécifiques à la surface de ces vésicules extracellulaires afin de développer une bibliothèque de biomarqueurs susceptibles d'assurer plus avant leur identification et la sécurité de leur utilisation.
Il nous faut plus de vésicules extracellulaires. Beaucoup plus.
Lors de la deuxième phase du projet, Mme Lavoie et son équipe ont travaillé sur la question suivante : comment produire la grande quantité de vésicules extracellulaires de haute qualité nécessaire à la recherche et aux traitements potentiels?
« Pour les usages thérapeutiques, une dose unique nécessite des milliards de vésicules extracellulaires, mais la mise à l'échelle de la production de presque n'importe quel produit peut entraîner des problèmes de qualité, fait valoir Mme Lavoie. Nous avons ainsi eu besoin de produire de grandes quantités de vésicules extracellulaires dont le niveau de qualité devait rester élevé, et ce à un prix abordable. »
Mme Lavoie et son équipe ont découvert qu'en remplissant de hMSC un appareil relativement commun — un bioréacteur à fibres creuses —, ils pouvaient récolter en continu de grandes quantités de vésicules extracellulaires. Les quantités nécessaires pour une utilisation commerciale, encore supérieures, pouvaient alors être produites en ajoutant simplement des réacteurs à la ligne de production et aboutir ainsi à des hangars remplis de rangées de bioréacteurs.
Une porte ouverte sur de nouveaux travaux de recherche
En plus de sa simplicité, cette méthode présente l'avantage d'être économique. « Il est possible d'installer une unité de production de vésicules extracellulaires pour environ 5 000 $, à comparer aux 200 000 $ de budget minimum nécessaire pour les autres méthodes de production à base de bioréacteurs, explique Mme Lavoie. Cette abordabilité signifie qu'un plus grand nombre de chercheurs peuvent se consacrer à ce domaine de recherche. Or plus de travaux de recherche se traduisent par une amélioration des connaissances et une accélération de la mise au point de nouveaux traitements. »
La méthode de production des vésicules extracellulaires mise au point lors de ces travaux de recherche financés par l'IRDG est déjà utilisée dans le cadre de deux études conduites en collaboration avec des chercheurs de l'Université d'Ottawa. La première consiste à explorer la capacité des vésicules extracellulaires à régénérer des tissus cérébraux endommagés par une attaque, la seconde consiste à la mettre en œuvre coMme traitement potentiel contre le cancer du sein triple négatif hautement agressif pour lequel il n'existe qu'un nombre limité de traitements.
Le Canada à la fine pointe
L'étude sur l'application des vésicules extracellulaires au cancer du sein est codirigée par Lisheng Wang (Ph. D.), professeur au sein du département de biochimie, microbiologie et immunologie de l'Université d'Ottawa, qui confirme l'importance des travaux de Mme Lavoie et de son équipe. « Le potentiel des vésicules extracellulaires en matière de nouveaux traitements destinés à toute une gamme de pathologies ne fait aucun doute, explique-t-il. C'est d'ailleurs pourquoi la recherche axée sur ces vésicules progresse si rapidement et les travaux menés par Mme Lavoie se situent à la frontière de ce domaine. »
Les résultats obtenus dans le cadre des travaux de Mme Lavoie (en anglais seulement) ont été publiés au début de l'année 2021 et ont déjà été cités par des chercheurs dans le monde entier. De plus, Mme Lavoie transmet aujourd'hui ses connaissances à une nouvelle génération de chercheurs en sa qualité de professeure adjointe à l'Université d'Ottawa.