La recherche en génomique révèle des huiles essentielles prometteuses dans le remplacement potentiel des antibiotiques

- Guelph

Des nettoyants ménagers aux cosmétiques, les huiles essentielles dérivées des plantes peuvent être utilisées de nombreuses façons. Aujourd'hui, une recherche financée dans le cadre de l'Initiative de recherche et développement en génomique (IRDG) du Canada montre comment les huiles essentielles peuvent jouer un rôle dans les mesures prises au pays pour limiter la propagation de la résistance aux antimicrobiens (RAM).

La résistance aux antimicrobiens (RAM)

Dirigée par le chercheur Moussa Diarra d'Agriculture et Agroalimentaire Canada (AAC), la recherche sur les huiles essentielles fait partie d'un ensemble d'études interdépendantes réalisé dans le contexte de l'action nationale sur la résistance aux antimicrobiens et financé par l'IRDG. Ce projet quinquennal mobilise plus d'une vingtaine de scientifiques de 5 ministères fédéraux qui collaborent pour améliorer la capacité du Canada à lutter contre la RAM, c'est-à-dire le nombre croissant de bactéries et d'autres agents pathogènes qui développent une résistance à un éventail toujours plus large d'antibiotiques et d'autres antimicrobiens.

L'utilisation excessive ou mal avisée des antibiotiques compte parmi les facteurs importants à l'origine de l'antibiorésistance.

La RAM chez les volailles

L'émergence de la RAM est un problème de santé publique mondial grave et croissant. Selon l'Organisation mondiale de la Santé, elle compte parmi les menaces mondiales les plus graves pour la prévention, le contrôle et le traitement des maladies infectieuses. L'industrie avicole, de concert avec AAC, joue un rôle actif dans le plan d'action de Santé Canada en vue de réduire l'utilisation des antibiotiques au Canada.

Pendant des décennies, les antibiotiques alimentaires ont été largement utilisés en aviculture pour promouvoir la croissance et la performance des volailles et lutter contre des maladies importantes au plan économique. La propagation de la RAM menace la santé humaine, et des efforts sont en cours pour limiter le recours aux antibiotiques alimentaires dans la production avicole au Canada. On cherche en particulier à trouver des solutions de remplacement sûres et efficaces aux antibiotiques.

Les recherches de M. Diarra ont par exemple dévoilé l'apparition, chez des poulets, de souches de Salmonella, d'Escherichia coli et d'Enterococcus qui manifestaient une résistance aux antibiotiques utilisés pour lutter contre les infections tant chez les animaux que chez les humains. Les salmonelles et l'E. coli sont des bactéries qui se rencontrent fréquemment dans les poulets et qui peuvent infecter les humains en cas de manipulation incorrecte de la viande crue ou de consommation de viande insuffisamment cuite, ce qui peut contribuer à la propagation des bactéries antibiorésistantes chez les humains.

Contribuant aux efforts de l'industrie pour réduire son utilisation d'antibiotiques, les recherches menées par M. Diarra ont permis de recenser des substances qui pourraient remplacer une partie, sinon l'ensemble des antibiotiques toujours en usage aujourd'hui.

Bleuets et canneberges

Avant d'entamer ses recherches sur les huiles essentielles, M. Diarra, en collaboration avec des collègues d'AAC, de l'Université de Guelph, de l'Université McGill et du Centre de recherche en sciences animales de Deschambault, avait déjà démontré les avantages possibles de l'ajout de marcs de bleuets et de canneberges et de leurs extraits aux aliments de la volaille.

« Le marc est ce qui reste après l'extraction du jus des baies, explique M. Diarra. Il augmente l'apport en fibres alimentaires et favorise la santé intestinale générale. Or, les technologies génomiques nous ont permis de voir comment ces produits à base de baies agissent aussi à l'échelle moléculaire pour limiter la croissance des salmonelles. Il semble par ailleurs que ces produits renforcent le système immunitaire des poulets et leur permettent de mieux lutter contre les infections ».

Cannelliers et citronnelle

Dans leurs études les plus récentes, M. Diarra et ses collaborateurs, dont Joshua Gong, Qi Wang, Hai Yu, Xianhua Yin, Attiq Rheman et Chongwu Yang, tous d'AAC, ainsi que des chercheurs de l'Agence canadienne d'inspection des aliments, de l'Université du Manitoba et du Centre de recherche en sciences animales de Deschambault, ont ajouté 2 huiles essentielles au régime alimentaire des volailles : le cinnamaldéhyde, extrait de l'écorce du cannellier; et le citral, que l'on trouve dans un certain nombre de plantes, dont la citronnelle.

« Nous avons obtenu des résultats très intéressants, déclare M. Diarra. L'analyse du microbiote et le séquençage du génome entier d'E. coli issu du contenu intestinal des volailles nous ont permis de constater que l'ajout de ces huiles essentielles à l'alimentation des volailles entraînait une réduction considérable de la population d'E. coli antibiorésistants, explique-t-il. Parallèlement, nous avons également constaté une augmentation du nombre et de la diversité des micro-organismes bénéfiques dans le tube digestif des volailles ».

Des recherches essentielles pour l'industrie

Le directeur exécutif du Conseil de recherches avicoles du Canada, M. Bruce Roberts, affirme que la lutte contre la RAM et le bien-être des animaux sont « les 2 plus grandes priorités » de l'industrie.

« L'industrie a réduit considérablement son utilisation d'antibiotiques au cours des dernières années, déclare M. Roberts, mais aussi longtemps que l'on ne trouvera pas un autre moyen de protéger la santé des volailles, on ne pourra pas s'en passer entièrement. C'est pourquoi la recherche financée par l'IRDG à AAC et le travail exceptionnel réalisé par M. Diarra et ses collaborateurs sont si importants ».